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PREAMBULE

« Jamais d’accent sur le « e » de ego ! Ce serait un pléonasme puisqu’un égo ne cesse de mettre l’accent sur lui. » Bernard PIVOT,…

Mettre l’accent sur l’accent circonflexe !

Qu’ont en commun les langues japonaise, bretonne, frioulane chichewa, espéranto, italienne (à moindre niveau), galloise, norvégienne, portugaise, hébraïque, roumaine, slovaque, turque, vietnamienne et bien évidemment française ?

« ^ »… Rien à voir avec les « ^^ » qui représentent les yeux du bonhomme qui sourit les yeux fermés.

L’accent circonflexe (du latin circumflexus, « fléchi autour ») est un diacritique (vous irez chercher, hein !) de l’alphabet latin hérité de l’accent circonflexe grec. C’est, graphiquement, la réunion d’un accent aigu et d’un accent grave. En 1560, l’imprimeur tourangeau Plantin systématise l’usage de l’accent circonflexe pour remplacer le « s ».

« Non, non… l’accent circonflexe n’est plus obligatoire en français » !

Ce n’est pas aussi simple que ça ! Quoique…

L’Académie Française, gardienne de la langue française, a apporté la modification suivante sur le sujet qui nous concerne : on ne met plus d’accent circonflexe sur ‹ i › ni ‹ u ›. Exceptions : terminaisons verbales du passé simple et du subjonctif, en cas d’ambiguïté (dû/du, jeûne/jeune) et noms propres et leurs adjectifs dérivés (Nîmes, nîmois).

Un peu d’histoire…

Un postulat : l’accent circonflexe peut coiffer les voyelles « a », « e », « i », « o » et « u ». Sa présence s’explique pour :

  • souligner parfois, souvent, l’étymologie. Ainsi, il peut en effet être la trace d’un « s » disparu (chastaigne/châtaigne, coste/côte, forest/forêt). Ce « s » est d’ailleurs parfois resté présent dans certains mots de la même famille (côte/accoster, forêt/forestier, arrêt/arrestation), ou pas (côte/coteau, grâce/gracieusement, jeûner/déjeuner)…
  •  justifier parfois la prononciation pour éviter toute confusion possible entre des homonymes, même si, par l’usage, cela tend à s’atténuer :
    • « cote », [kɔt] (« o » ouvert ») ó « côte », [kot] (« o » fermé),
    • « votre », [vɔtʁ] (« o » ouvert ») ó « vôtre », [votʁ] (« o » fermé),
    • « patte », [pat] (« a » ouvert bref)ó « pâte », [pɑ:te] (« a » long fermé).

A noter, en revanche, aucune différence de prononciation entre « i » et « î » (rime, dîme ; saine, chaîne) ou entre « u » et « û » (crû, cru ; route, croûte). Ainsi, « les Rectifications de l’orthographe » de 1990 préconisent d’abandonner l’accent circonflexe sur le i et le u, sauf :

  •  aux 1re et 2e personnes du pluriel du passé simple (nous voulûmes, vous voulûtes ; nous fîmes, vous fîtes),
  •  à la 3e personne du singulier de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif (qu’il suivît, qu’il mourût ; qu’il eût suivi, qu’il eût voulu),
  • lorsqu’il permet de distinguer deux homonymes (mûr et mur, sûr et sur, jeune et jeûne, cru et crû…)

Ainsi, on peut écrire indifféremment il paraît ou il parait, cîme ou cime, voûte ou voute, piqûre ou piqure. Sauf pour les noms propres et leurs dérivés tels que Nîmes, Nîmois.

La lecture et la culture…

  • Les mots en « â »

Bât, késako ? De la famille du mot bâton » s’écrivait bast car il est issu du latin bastum. On le retrouve dans l’expression « C’est là que le bât blesse », pour signaler la cause d’un problème ou d’un mal. Cela devient tout de suite plus clair, non ?

Câlin : L’accent circonflexe sur le « a » de câlin a été ajouté au XIXe siècle pour respecter le « a long » la prononciation normande. Il est d’usage sur tous les dérivés : câliner, câline, câlinerie… Un « a long » pour que les câlins durent plus longtemps ?!

Mât : Support vertical des voiles d’un navire. Sans accent circonflexe, mat se rencontre dans l’expression « échec et mat », qui signifie « le roi est mort ».

Tâche : En vieux français, tâche s’écrivait tasche. Il tire son origine du latin taxa, « prestation rurale », qui a également donné « taxe ». Sans accent, la tache, du latin tacca, est une salissure.

  • Les mots en « ê »

Pêche : Anciennement, pêche s’écrivait pesche, du latin piscis signifiant « poisson » (le « S » est de retour !). Sans accent circonflexe, pécher consiste à commettre une faute, un péché. On distingue donc le pêcheur du pécheur !

Gêne : Le nom est issu de l’ancien français géhenne, « torture », On le distingue du gène, forgé sur le grec genos (naissance, génétique, etc).

Prêt : L’adjectif prêt (à), qui vient du latin praestus, s’est d’abord écrit prest (le « S » est de retour !). À ne pas confondre avec près (de), du latin presse.

  • Les mots en « û »

Sûr : Cet adjectif vient du latin securus qui signifie littéralement « sans souci ». Dès le XVIe siècle, on a coiffé le « u » d’un chapeau pour le distinguer de la préposition sur, issue du latin super (au-dessus).

  • Le mot en « î »

je croîs : L’accent circonflexe sur le « i » est indispensable sur certaines formes conjuguées du verbe croître (ou croitre) : « je croîs », « tu croîs », « il croît » ((le « S » est de retour dans « croissance » !).. Cela permet de le distinguer du verbe croire qui donne « je crois », « tu crois », « il croit »… « Je crois que je croîs ! »

Une aide plutôt qu’une difficulté…

Et si les nombreuses personnes qui ont considéré ou considèrent encore l’accent circonflexe comme peut être une difficulté superflue dans l’orthographe ou/et les conjugaisons, le voyaient comme une passerelle entre le passé, le présent et le futur, un facilitateur d’apprentissage, plus particulièrement des autres langues ?

Et oui,

  • « Coûter » en français, « to cost » en anglais, « costar » en espagnol,
  • « Côte » en français, « coast » en anglais, « costa » en espagnol,
  • « Maître » en français, « master » en anglais, « maestro » en « italien »,
  • « Île » en français (au passage : « isolé »), « island » en anglais, « isla » en espagnol, et « ISLANDE », la bien nommée !

Etc etc.

 

Ainsi, L’ACCENT JOUE LE RÔLE d’un trait d’union, ou plutôt VUE SA FORME, D’UNE PASSERELLE, entre le passé et le présent, mais aussi et surtout, entre les langues et le plus important, ceux qui pratiquent ces langues. Il nous sert à mieux comprendre les liens, les interactions que nous avons dans nos échanges. Il nous donne du sens dans ce que nous avons de commun, dans ce qui nous rassemble !

BONUS :

Les « tips »…

Voici quelques exemples de mots issus d’un même radical latin :

  • feste → fête, festin, festoyer, festivité, festival,
  • teste → tête, test,
  • fenestre → fenêtre, défenestrer,
  • castel → château, castel (Castelnaudary, Castelnau, Casteljau…),
  • ospital → hôtel/hôpital, hospitaliser, hospitalité, hôte,
  • bastir → bâtir, bastide,
  • beste → bête, bestial,
  • conqueste → conquête,
  • coste → côte, côtier,
  • creistre → croître, croissance,
  • forest → forêt, forestier.

Peut-être que certains parmi nous avons appris des phrases (« bêtement ») pour ensuite faciliter les usages de vocables. En voici un sur le sujet qui nous concerne : « Le chapeau de la cime est tombé dans l’abîme ». Eh oui, « cime » ne porte pas de « ^ », alors qu’abîme, oui !

Et vous, quels sont ceux que vous avez retenus ?